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Histoire du Mentonnais antique et médiéval
7 janvier 2019

LIVRE. 2. AWELOS ET COMETSA (pages 11-19)

Six gentilices indigènes.

Il y a six moyens de renseigner la langue parlée dans le Mentonnais dans la protohistoire, qui supposent un discours de la méthode : l'anthroponymie antique et médiévale, la toponymie antique et médiévale, le glossaire antique et médiéval. Certains d'entre eux sont bien stériles. Girolamo Rossi avait ainsi identifié l'antique famille Aprosio de Vintimille à la gens Apronia, et la gens Apronia au fleuve Aprôn de Polybe, ce qui n'est pas sans soulever de profondes réserves : 1°) les noms de famille sont, dans nos régions, presque tous patronymiques et fixés dans le premier quart du XIIème siècle, il faudrait donc imaginer qu'un dénommé Apronius ait vécu la première croisade et que le gentilice ait survécu pendant six siècles au déclin de Rome, 2°) les sources génoises et lombardo-piémontaises nous livrent très peu de noms « romans » pour les Xème et XIème siècles, la plupart inspirés par la foi chrétienne, de sorte que la survie d'un gentilice dans le nouveau système onomastique constituerait, peut-être dès le Bas-Empire, une grande anomalie. Je ne crois pas qu'on puisse trouver autre chose, derrière les anthroponymes des XIème-XIIème siècles, que des réalités des XIème et XIIème siècles.

J'ai eu aussi l'occasion de travailler sur le glossaire médiéval, à travers les comptes des clavaires de la viguerie de Sospel et du val de Lantosque, les comptes de la communauté de Vintimille et les antiques minutes notariales. Quelques mots sont bien éloignés du latin classique, mais à l'image d'une grande partie du lexique du latin médiéval, ils sont communs à toute la Romania, répandus dans tout l'Occident, et n'ont rien de spécifiquement « indigène ». Il semble désormais entendu qu'entre le Haut-Empire et le IXème siècle, on parlait du Tage au Danube la même lingua franca protoromane, et qu'elle avait agrégé, sans que nul ne s'y reconnaisse, des éléments empruntés à toutes les langues parlées dans l'Empire. Il est impossible d'isoler, au milieu d'un pidgin reconstitué, ce qui viendrait de Vintimille, et difficile d'imaginer, comme on le fait parfois, que l'évolution des langues modernes suive celle des langues qui les ont précédées. Que le magalh soit le nom « mentonnais » ou « ligure » de la houe à la fin du Moyen Âge ne suppose pas un équivalent mille ans plus tôt, sous l'Empire, ou deux mille ans plus tôt, au début de cette protohistoire.

La toponymie médiévale offre de meilleures garanties que l'étude du dialecte et de l'onomastique. Aujourd'hui encore, on devine des toponymes « celtes » derrière Breil, La Brigue, Garavan, Caramagna et Caravonica, et certainement Menton, pour ne citer que quelques exemples. Ils ne constituent qu'une infime minorité du stock toponymique du municipe de Vintimille, que j'ai étudié en détail pour les volumes consacrés au Moyen Âge, et qui présente comme caractéristique d'être très largement voire intégralement fixé dès le XIVème siècle, mais très rarement antérieur au XIème siècle. Sur la toponymie de Pigna, le travail remarquable et pionnier de Giulia Petracco Siccardi reconnaissait ainsi trois prédiaux « latins », assez suspects. Le Mentonnais n'en offre pas beaucoup plus. Une autre difficulté vient du parallélisme des formes « celtes » et « latines », avec les mêmes suffixes et souvent le même lexique, de sorte qu'il est difficile de déterminer, sans une analyse sérieuse, si tel toponyme appartient à la strate dialectale, à la strate protoromane ou à la strate préromaine. Pour reprendre le premier exemple cité, il n'y a pas de doute que le « breuil » ait constitué un léxème protoroman aussi fécond en toponymie que son prédécesseur « celte », de sorte que les comtes de Vintimille ont pu baptiser le lieu de ce nom au XIème siècle, parce que c'était leur réserve de chasse, ou que des clans du Premier Âge du Fer ont pu désigner de ce nom les limites de leur territoire1.

J'aurai l'occasion de glisser une petite étude sur la toponymie médiévale en évoquant la toponymie antique, et notamment les choronymes, ethnonymes et hydronymes, qui ont la vie longue. Je n'accorde pas grand intérêt aux oronymes, souvent très récents, et j'ai pour principe de considérer que le terminus ante quem doit toujours prévaloir, et qu'un prédial romain nous fournit au mieux un gentilice de plus, plutôt qu'un nom indigène. Cette toponymie antique se résume à assez peu de choses, même quand on l'élargit à toute la IXème région augustéenne, et je l'étudierai après l'anthroponymie antique. La dernière partie de ce travail sur la langue d'Avelius et Comisia portera comme il se doit sur le lexique et la grammaire. La reconstitution d'une protolangue est aventureuse, au mieux, comme l'ont bien montré deux siècles d'études comparatistes, mais les progrès de l'école laryngaliste et des celtisants permettent de poser quelques jalons fiables. Les seuls éléments à peu près sûrs demeureront les quelques mots isolés transmis par les auteurs de l'Antiquité, et qui constituent un très maigre corpus d'une dizaine de mots.

Reste à évoquer l'anthroponymie antique. Comment distinguer ce qui est « indigène » de ce qui serait « exogène » ? Et parmi ce qui est « indigène », c'est-à-dire antérieur à la « romanisation », peut-on encore distinguer plusieurs substrats, plusieurs souches linguistiques ? Il va falloir trier encore dans les gentilices et les cognomina, en évitant de trouver ce qu'on cherche, le péril principal de l'amateur et du novice quand on jongle avec les léxèmes. Pour cela, il faut poser quelques principes : 1°) un nom attesté à Rome dès la République sera réputé « latin », ou au moins « non-indigène », même si un cas d'homophonie, d'homonymie ou d'emprunt n'a rien d'impossible (cf.annexe 2, liste des officiers de la République romaine) ; 2°) un nom attesté plus de dix fois à Rome et/ou dans le Latium, hors marque de potiers, sera aussi réputé « latin », quand bien même le cognomen ou le gentilice qui l'accompagne ne le serait pas ; 3°) une fois ces noms écartés, un examen par province analysera la répartition de tous les noms portés à l'échelle de l'Empire.

J'avais défini un ressort territorial, les 1800 km² du municipe de Vintimille, avec ces citoyens inscrits à la Falerna, dont Manius Avelius Paternus et Comisia Tranquillina. Une fois mis de côté les étrangers, la cité de Vintimille compte 50 gentilices2. 39 d'entre eux sont attestés très largement dans tout l'Empire et connus à Rome depuis la République3. La série statistique était insuffisante, il me faudrait donc l'élargir. Mais l'élargir vers l'Ouest ou vers l'Est revenait à faire des choix, et perdre en représentativité ce qu'on gagnait en efficacité. Ce qui supposait un 4°) impératif : élargir l'assiette de l'enquête en fonction des résultats de l'enquête, et non d'un postulat quelconque (celticité, italianité, que sais-je ?). Autrement dit, il fallait observer, parmi les gentilices et les cognomina de Vintimille datant d'avant la « romanisation », leurs différentes aires de diffusion, dont le cœur constituerait la nouvelle cible de l'enquête.

La « romanisation » fait débat. Le savant chantier de déconstruction de tous les concepts des sciences sociales doit être poursuivi, mais le danger est de renoncer à tous les mots et de ne plus raisonner qu'en jargonnant. Par « romanisation », j'entends aussi tous les phénomènes d'échanges culturels que les anglo-saxons et leurs émules nomment « acculturation ». Il va de soi que tout contact entre les peuples suppose toujours interpénétration des cultures, comme dans la dialectique du maître et de l'esclave. Avant et avec la « romanisation », il y eut l'hellénisation. Six cents ans avant Auguste – mesurons un instant ce que peuvent durer six siècles – les Grecs commençaient à fréquenter la région, mais l'anthroponymie hellène de Vintimille correspond très probablement à l'importante population d'esclaves affranchis.

On peut supposer qu'une partie des 39 gentilices dissimule sous le vernis de la latinité quelques vieux noms indigènes, mais le cryptonyme ou nom d'emprunt ne mène pas très loin : les Albucii et Albanii sont certainement des ethniques déguisés, les Apronii tireraient peut-être leur nom de l'Aprôn, et les Considii portent un nom latin facile à adapter dans le monde « celte ». On pourrait ainsi proposer des équivalents « celtes » à tout gentilice romain, comme on peut voir derrière tout toponyme roman une remotivation d'un toponyme « celte », ou derrière toute divinité romaine une divinité topique; autrement dit, vieillir à l'envi tout le corpus onomasiologique, mais la méthode est suspecte, et les 39 gentilices romains doivent être analysés comme 39 gentilices romains.

Il faut ajouter à cette liste de non-indigènes cinq autres gentilices de Vintimille, dont l'origine n'est pas clairement définie, parmi lesquels les Pilii, qui sont invariablement des affranchis, dans tout l'Empire, Pilia Psaechas ne faisant pas exception. Peut-être s'agissait-il d'un ethnique de Colchide4. Pour l'affranchi Onesimus, récemment, Giovanni Mennella a proposé la lecture Biilenius, cacographie pour Billenius, plutôt que Belenius. Les noms en -en(i)us, fréquents en Transpadane, sont l'équivalent local du -an(i)us latin, et le nom d'homme Billienus est largement attesté et porté notamment par de nombreux orientaux. N'en déplaise aux amateurs de bélins, qui voient Bélénos à chaque hauteur, il y a fort à parier qu'Onesimus ait porté un nom qui trahissait ses origines serviles, peut-être le même que Pilia Psaechas, et qu'il n'ait donc rien d'un « celte ». J'ai déjà écarté les Saburii, nom de métier, et Lucius Polfennius Cerdo porte un nom trop « étrusque » pour être indigène. Enfin, les Dillii n'étaient connus que dans la péninsule ibérique, et l'un d'eux, Dillius Aponianus, fit carrière à Rome, mais le nôtre porte un cognomen à consonnance barbare et pratique le culte d'Esculape, ce qui fait douter de son indigénat.

Restent donc six gentilices, six familles de Vintimille dont le nom trahirait l'origine indigène. Outre Avelius et Comisia, les Bittii portaient un nom « celte », attesté à Trêves, Reims, Lyon, Brescia, Trobaso (sur le Lac Majeur), Sainte-Colombe (en Narbonnaise)5. Les Mallonii étaient aussi connus à Ahun (Aquitaine), Marly (Belgique), Nantes, Trutobriga (Lusitanie), Vivier-du-Lac (en Narbonnaise) et encore Sainte-Colombe, mais quelques-uns, affranchis, avaient fréquenté le Latium, et Marcus Mallonius Lalus a peut-être enterré sa première épouse, l'affranchie Mallonia Eutychis, à Rome. Les Ulattii arboraient également un anthroponyme « celte », ethnique, comme Veamona et Uxsubia : nous avons vu les Ullatti voisins des Veamini sur le Trophée de La Turbie et tout le monde connaît les guerriers ulates des vieilles annales irlandaises. Les Burcii d'Eze portaient un nom tout à fait inédit, un hapax à l'échelle de l'Empire, mais qu'il faut rapprocher des casae eburcianae de la Table de Veleia, avec aphérèse ou cacographie.

Six gentilices ne font pas une leçon, et l'enquête devait être étendue aux surnoms. A Vintimille, parmi les 71 noms et surnoms (cognomina, agnomina ou nomina ingenua) attestés par l'épigraphie, 55 sont latins, auxquels il convient d'ajouter les dérivés en -anus (Vennonianus et Allianus). Il en reste 14 qui ne le sont pas, dont certains, comme Uxsubia, Exomnacius et Adretio, sont de claire origine « celte ». Avec 20 léxèmes (6 gentilices et 14 nomina), on peut commencer à esquisser une comparaison, et voir si la langue parlée par les ancêtres d'Avelius et Comisia était connue dans d'autres provinces de l'Empire. Je relevais donc en annexe toutes les formes issues des mêmes 20 léxèmes et j'établissais une liste de provinces où ces noms apparaissaient. Qu'on tienne compte du nombre d'occurrences ou de l'importance relative du stock anthroponymique, la liste est la même. Elle comprend bien sûr Rome et le Latium, où les inscriptions sont les plus nombreuses et tout l'Empire s'est croisé, et des provinces « celtes » : Alpes Maritimes, Belgique, Ligurie, Lusitanie, Lyonnaise, Narbonnaise, Transpadane, Vénétie, en tête, Dalmatie, Germanies, Norique et Pannonies, ensuite.

L'absence presque totale des 20 noms indigènes en Emilie et en Etrurie, comme dans toute la péninsule italienne, marquait un isoglosse très net, qui excluait également aussi toute la partie orientale de la Ligurie, la IXème région augustéenne : les noms de Vintimille trouvaient de nombreux corrélats à Borgo San Dalmazzo, Caraglio et Cavour, quelques-uns à Pollenzo, Alba, Acqui et Albenga, et rien dans le reste de la province6. Les liens linguistiques avec les Alpes Maritimes et la Narbonnaise étaient acquis, mais je manquais d'éléments pour mesurer l'homogénéité du peuplement et le niveau de relations avec les cités voisines. Autrement dit, par la langue de leurs ancêtres, Avelius et Comisia s'intégraient-ils à un substrat de peuplement « ligure », ou à la Gaule cisalpine, ou à un monde « alpin », ou, sans particularisme, au monde « celte » ?

Jusqu'à présent, j'ai pris soin de mettre des guillemets à l'adjectif, et d'éviter toute référence à la Gaule. Je sais que les rivalités franco-italiennes, même tacites ou larvées, ne sont pas tout à fait dépassées dans nos régions – le seront-elles jamais ? - mais ça n'est ni la prudence, ni l'arbitraire qui ont guidé ces guillemets. C'est que, dans la foulée de Christian Goudineau, historiens, archéologues et celtisants eux-mêmes viennent à douter de l'unité du monde « celte ». Affirmer que la grande majorité des 20 noms indigènes portés à Vintimille est commune aux provinces de la Gallia signifie-t-il que leurs ancêtres parlaient une langue celte, ou même la langue celte, si on accorde quelque crédit à la koinê linguistique ? Et la question « ligure » venait se poser, lancinante : si les ancêtres d'Avelius et Comisia étaient « celtes », comme ceux d'Ulattia et d'Exomnacius, qu'en était-il des « Ligures » ?

Pièces justificatives : Les anthroponymes à Vintimille et Les noms indigènes à Vintimille.



Avant Auguste, le Mentonnais parlait gaulois.

Vingt noms indigènes ne constituent pas un corpus suffisant pour identifier une langue et la méthode méritait d'être revue et précisée. Un premier examen détaillé porta sur les trois provinces qui s'étendaient autour du municipe, la Ligurie, les Alpes Maritimes et les Alpes Cottiennes. Sur les 94 gentilices « non-latins » de Ligurie, 24 étaient aussi attestés en Transpadane7. Avec les gentilices indigènes des Alpes Maritimes et Cottiennes, c'est encore la Transpadane qui entretenait les liens les plus sûrs, mais aussi le monde « transalpin », Belgique, Lyonnaise et Bretagne en tête. Il n'y avait par contre aucun point commun avec l'Emilie ou l'Etrurie voisines. En intégrant les gentilices de Transpadane, le tableau ne s'en trouvait guère modifié et gagnait encore en cohérence.

On pouvait certes émettre de nombreuses réserves sur la méthode. Il fallait vérifier ces statistiques en utilisant les nomina des trois provinces entourant Vintimille, Alpes Maritimes, Alpes Cottiennes et Ligurie, ce qui permettait également de boucler le dossier anthroponymique. J'écartais 624 noms attestés dans tout l'Empire, dont les nombreux anthroponymes grecs, qu'on retrouvera dans l'annexe n°1. Je relevais 54 hapax, formes isolées, parfois mélectures et cacographies, et un certain nombre de léxèmes déjà mentionnés avec les gentilices, que je laissais aussi de côté, pour ne pas fausser la comparaison. Il ne restait que 45 noms « alpins », essentiellement de la IXème région. Le pannel était maigre, mais j'obtenais pratiquement la même carte, un lien évident avec le monde « transalpin ».

Au final, l'anthroponymie permettait de distinguer plusieurs zones. Quinze provinces comptaient moins de dix noms ou gentilices communs avec les noms et gentilices « alpins », et quelques autres n'en comptaient pas un seul. Parmi elles figuraient les Alpes Grées et Pennines, très mal documentées, mais indéniablement liées au monde « alpin », mais aussi la Sardaigne, bien mieux connue, et dont les attaches avec l'anthroponymie alpine se réduisaient à néant. Sur la page de couverture de la revue de l'Institut d'Etudes Ligures figure la Corse, mais l'île ne partage aucun léxème avec le continent. Comme l'Etrurie apparaît très loin au classement, on peut donc écarter l'idée d'une communauté protohistorique « tyrrhénienne ». Les liens entre le Mentonnais, les îles tyrrhéniennes et l'Etrurie étaient donc bien lâches.

Bétique

9

Alpes Pennines

5

Moesie inférieure

4

Galatie

2

Mésopotamie

1

Alpes Grées

7

Numidie

5

Macédoine

3

Asie

2

Syrie

1

Sardaigne

6

Apulie

4

Picénie

3

Maurétanie césarienne

1

Thrace

1

 

Un deuxième cercle est constitué par dix provinces non-celtiques ou faiblement celtisées. On notera parmi elles l'Etrurie voisine, mais aussi la Vénétie et la Dalmatie. La présence d'autres provinces italiennes est assez difficile à lire. Il s'agit davantage d'échanges migratoires, comme dans le Samnium ou en Campanie, où ont été déportés des « Ligures », que d'un antique substrat linguistique « italo-celtique », protolangue qui n'est pas corroborée par les progrès des études indo-européennes. L'antiquité du peuplement ligure dans la péninsule tient donc très largement du mythe, et n'apparaît de fait que sous la plume des poètes classiques, auxquels quelques érudits du XIXème siècle ont accordé trop de crédit. Les liens entre l'anthroponymie « ligure » et l'Italie méridionale se réduisaient ainsi à peu de choses.

 

Vénétie

033.26

Dacie

029.41

Ombrie

026.11

Lusitanie

022.92

Rome

005.99

Dalmatie

032.76

Etrurie

027.42

Samnium

024.49

Latium

008.76

Afrique proc

005.83

 

Un troisième cercle comprend sept provinces celtiques, dont l'Emilie et la Narbonnaise. L'Emilie, intégrée au moins pour partie dans le monde celtique « cisalpin », en a gardé peu de vestiges anthroponymiques, sinon à Veleia. Il faut considérer qu'elle a été assez peu celtisée, à peine davantage que la Vénétie ou l'Etrurie voisines8. Les liens entre le monde « alpin » et les Germanies peuvent paraître peu étroits, compte tenu de ce qu'on observe pour la Norique et la Rhétie d'une part, la Belgique de l'autre. Mais le stock anthroponymique de l'épigraphie rhénane est largement entretenu par les garnisons de soldats venus de tout l'Empire, ce qui rend la statistique peu fiable, à l'image des Pannonies, sur le limes danubien.

 

Germanie sup

084.54

Emilie

068.26

Pannonie sup

044.32

Espagne

036.81

Germanie inf

074.07

Narbonnaise

045.70

Pannonie inf

037.53

 

 

 

Un quatrième et dernier cercle compte sept autres provinces qui partagent beaucoup de noms avec Vintimille, la Ligurie et les Alpes du Sud. Là, on parle la langue d'Avelius et de Comisia, ou plutôt celle de leurs ancêtres, des Awelos et Cometsā qui les ont précédés. C'est la Gaule de César (Lyonnaise, Belgique et Aquitaine), les Alpes du Nord (Transpadane, Rhétie et Norique) et l'île de Bretagne. Il est frappant de voir que c'est avec la Lyonnaise que la Ligurie entretient les liens onomastiques les plus sûrs. Nous sommes là tout à fait au cœur de la Gaule, chez ces peuples que Tite-Live nous décrit à la conquête des Alpes, à une période trop archaïque pour être correctement datée, mais largement antérieure au sac de Rome et contemporaine des Tarquins, donc au moment où La Tène succède à Hallstatt. La proximité des stocks anthroponymiques « cisalpin » et « transalpin » enracinait ainsi le Mentonnais dans un monde indubitablement « celte ».

 

Lyonnaise

215.05

Transpadane

160.46

Rhétie

130.95

Aquitaine

112.30

Belgique

185.19

Bretagne

135.87

Norique

126.13

 

 

 

La liste des 299 gentilices « alpins » et des 127 nomina « alpins », une fois écartés les anthroponymes latins, grecs ou trop répandus pour être considérés comme indigènes, formait un corpus de 426 noms, mais je le jugeais à nouveau insuffisant pour rendre compte de la complexité de la situation linguistique d’une vaste région pendant une vaste période. Je décidais donc d’isoler tous les noms propres de l’ « aire alpine » attestés dans l’Antiquité, par les inscriptions lépontiques, l’épigraphie latine, éventuellement l’épigraphie grecque et les auteurs antiques. Une fois confirmée la parenté linguistique du municipe de Vintimille et du coeur du monde gaulois, les questions se pressaient. 1°) Si on parlait gaulois dans ce que j’ai défini comme « aire alpine » à la période julio-claudienne (donc les quatre provinces alpines, la Transpadane et la Ligurie), qu’en était-il six siècles avant ? Ou autrement posé, fallait-il y voir le simple effet des migrations/invasions du IVème siècle, la lente diffusion d’une koinè laténienne au VIème siècle, ou un héritage beaucoup plus ancien ? 2°) Fallait-il et pouvait-on distinguer, à l’intérieur de la grande famille gauloise, des dialectes insubres, taurisques, ligures et cisalpins ? Ou autrement dit, la langue parlée à Lumone était-elle un élément de l’ethnogénèse « ligure » ? 3°) Que nous disait la langue « alpine » des sociétés « alpines » ? Ou autrement formulé, l’ethnolinguistique, sur un terrain aussi miné, avait-elle quelque chance de porter une véritable anthropologie sociale et culturelle ?

Il me restait 1°) à dater l’anthroponymie et la toponymie du municipe de Vintimille, à l’aide de ce qu’on sait du gaulois, deinde du proto-celte, denique proto-européen, ) à isoler les formes aberrantes, exogènes ou idiotiques (« f », amuïssement du « v » ou du « e » initial, diphtongues) afin de vérifier si la langue « alpine » présentait quelques particularités, soit par un classique phénomène de dialectalisation, soit par quelque substrat préceltique, et à vérifier les quatre isoglosses proposés par Giulia Petracco-Siccardi qui permettraient de définir une aire « ligure » assez distincte du gaulois pour qu’on puisse parler d’une langue, 3°) à identifier quand c’était possible les principaux léxèmes « alpins » afin de reconstituer quelques éléments de leur société.

 

Pièces justificatives : Les gentilices « alpins » et Les nomina « alpins ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le gaulois, langue de l’Âge du Fer.

 

Depuis un siècle et l’ouvrage fondamental de Georges Dottin, La langue gauloise : grammaire, textes et glossaire(1918), les progrès de l’épigraphie et de la grammaire comparée permettent de mieux connaître le gaulois, et s’ils existent, ses dialectes. Les travaux universitaires, ceux de Pierre-Yves Lambert ou de Patrizia de Bernardo Stempel, notamment, ont été compilés, vulgarisés et prolongés par des auteurs comme Xavier Delamarre, qui a publié une série d’articles et trois beaux livres sur la toponymie (Noms de lieux celtiques de l’Europe ancienne), l’anthroponymie (Noms de personnes celtiques dans l’épigraphie classique) et les gloses (Dictionnaire de la langue gauloise), Olivier Piqueron (Précis de gaulois classique) et Ranko Matasovic (Etymological dictionnary of Proto-Celtic). Il me faut mentionner aussi, avec une admiration non feinte, les travaux précurseurs de Nino Lamboglia et l’immense activité de Giulia Petracco Siccardi, qui a initié il y a plus de soixante ans la toponomastique moderne, et consacré sa vie à la dialectologie ligure. N’étant pas linguiste, j’ai puisé abondamment dans leurs travaux, dans ceux aussi portant sur les Gaulois de l’autre péninsule et sur les Etrusques pour nourrir les chapitres qui suivent. Mais mes tâtonnements ne doivent rien à leurs compétences, et tout à mon inexpérience.

La coupe de Sesto Calende, typique de la culture de Golasecca 1C, et datée du dernier tiers du VIIème siècle, présente le graffite sinistroverse le plus ancien d’Italie du Nord, le premier témoignage sur la langue parlée à l’Âge du Fer dans tout ou partie de l’aire « alpine », ]iunθanaχa, probablement signature du propriétaire. Le mot a été abondamment commenté, comparé à l’étrusque et au gaulois. Le bol de Golasecca, qui porte sepiut[-]si, et la jatte de Montmorot, avec son priś dextroverse, prêtent tout autant à discussion. Il est impossible d'identifier les léxèmes des inscriptions lépontiques sans préjugé performatif ou hypothèse de départ, ce qui fausse toute conclusion. Il faut prendre le problème à l’envers, si je peux risquer le mot, c’est-à-dire aborder un corpus linguistique par le morphème (suffixes et désinences), pour le réduire ensuite aux léxèmes. Les léxèmes indo-européens, proto-celtes ou gaulois se réduisant à trois lettres (consonne-voyelle-consonne), on ne s’étonnera pas qu’avec un alphabet de dix consonnes (B/P, G/C, D/T, L, M, N, R, S, ST, V), chacun en ait selon ses vœux : aux cinq cents racines potentielles qu'implique un tel lexique répond immanquablement toute la glottolalie universelle.

L’examen morphonologique du corpus « lépontique », terme commode pour désigner la langue parlée pendant un demi-millénaire sur le territoire insubre, permet pourtant de classer l’idiome dans la famille celte. 1°) Les déclinaisons sont celles du gaulois, ou plus exactement, de cette variété de gaulois archaïque connu par l’épigraphie « lépontique » et « celtibère »9. Les réductions régulières des nominatifs -os et -us en -o et -u sont largement attestées dans les inscriptions de Gaule Transalpine. La déclinaison thématique inanimée est en -an, alors que le gaulois est en -on. Au locatif, le neutre inanimé présente deux formes, en -o (Mediolano) et en -u (-rciu). L’accusatif est en -om et -am, alors qu’il évolue tôt en -on et -an en Gaule Transalpine. Le génitif singulier en -is est curieux, mais il n’est attesté que dans deux inscriptions latinoïdes. Le datif pluriel en -bos diffère à peine du transalpin -bo. Les nominatifs et accusatifs pluriels en -ants et -ents sont construits sur le participe présent -nt et la marque du pluriel -s, comme le transalpin -ōns pour le thème en -o. Il est difficile de reconstituer les thèmes en -u, entre athématiques en semi-voyelles, type magus et medu, et athématiques en sonante N, type moltū, qui semblent les plus fréquentes. Elles suivent la flexion ouverte indo-européenne, avec un génitif en -onis et un datif en -oni, plus proches des langues italiques que du gaulois classique. La diphtongaison de -u en -ou, quand la monophtongue finale se développe en /-oui/, est banale aussi en Gaule Transalpine. On trouve ainsi Bettuvo, Cluviu, Macuviu, Seuvo dans l’épigraphie « alpine ».

 

Nominatif

O(S)

A

IS

U(S)

AN

Accusatif

OM

AM

IM

U(S)

AN

Génitif

OISO

AS

IS

ONIS

-

Datif

UI

AI

EI

ONI

-

Locatif

-

-

-

-

O et U

Nominatif pluriel

OI

ANTS

ENTS

ONES

A

Accusatif pluriel

ONTS

ANTS

ENTS

ONES

A

Datif pluriel

OBOS

ABOS

EBOS

ONEBOS

 

 

2°) Les conjugaisons sont celles du gaulois. Les désinences de l’imparfait sont, pour le groupe des thèmes en -i, à la 3ème personne du singulier -ite en « lépontique » et -itu en cisalpin (verbes calio, cario, carnio), et en -itu en gaulois classique (type sagyu dans le précis d’Olivier Piqueron). Au pluriel, on attendrait -itents et -itunts, mais il faut se contenter d’-itus (verbe carnio), à moins de rétablir un san « ś » en lieu et place du sigma « s ». La particule focalisante à valeur anaphorique -sto est attestée (verbe tocondo), et elle joue le même rôle que -de en gaulois classique, de même origine. La forme « lépontique » tostoconde doit donc être analysée sans la particule, donc *toconde, avec amuïssement haplologique de la finale, soit tocond-ede, avec deux préfixes verbaux to- et con-, ce qui réduit au léxème radical donne dete. La désinence des thèmes en -e, à la 3ème personne du singulier, est donc -ede en lépontique, et elle doit donc être -edu en cisalpin, ce que confirme l’inscription de Prestino (verbe do). On a donc dede lépontique, dedu cisalpin, et dede en gaulois classique. Le prétérit, comme en gaulois, présente une variété plus grande de suffixes, avec des verbes irréguliers. La forme stestewe présente le redoublement caractéristique au degré zéro du prétérit d’un verbe sto, avec une désinence du parfait -we inconnue du gaulois. La forme verbale rhète uecezusezt doit être analysée comme la combinaison d’un verbe ueco, de la particule focalisante avec déictique e-sto, et d’une désinence -sest. Elle est jointe au prétérit d’ads-sto, aststaz, qui semble présenter une désinence similaire en -ast.

3°) Le suffixe adjectival -AL- sert de gentilice au « lépontique », il en est même le principal marqueur, puisque le cisalpin lui préfère -CN- avec déictique -I-, « fils de »10. Le gentilice, -AL- en « lépontique », -I-CNOS en cisalpin, -I-OS en gaulois ou -I-US en latin, est un génitif de substitution, comme le nom même du cas l’implique. Le suffixe -AL- marque ainsi le génitif dans la langue étrusque, et probablement en hittite et en lydien (noms en -ELIS). Par contre, il est resté adjectival en latin, où -ĀLIS est réduit au cognomen11. C’est donc un isoglosse intéressant, et il n’est pas fortuit qu’on relève quelques noms indigènes en -AL-US à l’époque classique dans les Alpes Maritimes ou en Ligurie (Enistalus, Albialus, Venialus): c'est un indice de la diffusion de la langue « lépontique » bien au-delà de son aire traditionnelle, jusqu'à Caraglio, Borgo San Dalmazzo, Bene Vagienna et Cimiez, et même Ameglia à l'embopuchure de la Magra, où une stèle du IVème siècle avant notre ère en caractère lépontique mentionne un Enistalus.

En conclusion, la morphonologie des inscriptions d’Italie du Nord, entre -630 et le début de notre ère, permet de vérifier une très grande continuité linguistique, à peine troublée au Vème siècle par la même mutation d’ampleur, l’adoption du génitif et du gentilice « i » en lieu et place d’-oiso et d’-al. La parenté avec les inscriptions espagnoles est saisissante. La seule différence notable est bien sûr la marque du génitif : *osio > -o en Espagne et *osio > -oiso puis -i en Italie. La plupart des linguistes ne distinguent d’ailleurs plus « lépontique » et « cisalpin » : il s’agit bien d’une même langue parlée par un même peuple et sur un même territoire, comme l’archéologie le confirme. Et cette langue est déjà celle du gaulois classique, avec juste une pointe d’accent et d’archaïsme. L’argument est imparable, mais entre la culture de Golasecca, où l'on parlait et écrivait « lépontique » et Lumone s’étendent le bassin du Pô et l’Apennin, et il n’est pas dit qu’on ait pratiqué le « lépontique » dans le Mentonnais. Pour le vérifier, il fallait 1°) analyser les cinq inscriptions méridionales de l'Âge du Fer (Busca, Gênes, Zignago, Bigliolo et Villafranca), voir si le gaulois archaïque permettait de les lire et si elles présentaient des traits spécifiques, 2°) démontrer que les quelques toponymes et anthroponymes indigènes du municipe de Vintimille présentaient la même origine.







































Au premier Âge du Fer, le Mentonnais parlait gaulois.

Les deux inscriptions « ligures » de l’Âge du Fer sont gravées dans un excellent étrusque : mi suθi larθial muθikuś pour la stèle de Busca, datée de -500, qu’on traduira « je suis la tombe de Larth Muthiku » et mi nemetieś pour la stèle de Gênes, datée de -450, qu’on lira « je suis la tombe de Nemetios ». Les trois inscriptions de la Lunigiana, mezu nemuśus (stèle de Zignago), vemetuvis (stèle de Bigliolo) et uvezaruapus (stèle de Villafranca), sont plus anciennes, puisqu’elles datent de la fin du VIème siècle. Elles sont donc légèrement postérieures aux premières inscriptions de la culture de Golasecca. Le morphème « ligure » -abus de la stèle de Villafranca pourrait correspondre à la marque du datif pluriel, gaulois -abo, « léponte » -abos. L’étude des inscriptions intègre néanmoins de façon indiscutable ces régions au monde gaulois dès l’Âge du Fer.

Avec un « e » étrusque pour « os » gaulois, et un san « ś »étrusque comme marque du génitif, nemetieś est Nemetios. Le « i » de Nemetios, consonne palatale voisée /j/, est la marque gentilice qui remplace peu à peu le génitif *-osio > -oiso. Nemetios est donc « fils de Nemetos » ou « descendant des Nemetoi ». Le détail n’est pas sans importance, il signale la diffusion des gentilices, que les diffusionnistes attribuent peut-être un peu vite aux Etrusques, comme si les mêmes causes ne savaient fournir les mêmes effets. Le principe de la parenté agnatique suppose une hiérarchisation des lignages, et la naissance d’une aristocratie de principes, qu’il nous faudra bien appeler « princes »12. A l’inverse, il suggère aussi qu’au clan patrilinéaire succède alors un dème cognatique, surtout dans nos régions où les vallées forment autant d’isolats, ou autrement dit, que la tribu de Nemetios ne comprend pas les seuls « descendants des Nemetoi », mais d’autres lignages. Ainsi, la particule gentilice, attestée à la fin du VIème siècle, nous fournit-elle quelques informations sur le cadre politique de notre région: il faut imaginer plusieurs familles unies par des mariages sous l'autorité du prince de Siricoca, plutôt qu'un clan patrilinéaire étendu. La racine indo-européenne du gaulois nemos est le neutre sigmatique nebhos, ‘nuage’, qui a pris très tôt le sens de ‘ciel’, supplantant deywos, un ‘ciel’ devenu ‘dieu’13. Le nemos gaulois, ‘ciel’ et donc ‘résidence des dieux’, a fini par désigner leur sanctuaire, la clairière du bois sacré (nemus latin, nemos grec), avec un neutre suffixé en -et, nemeton14. A travers le ‘bois’ et le ‘ciel’, c’est l’arbre cosmique indo-européen qui trouve ici ses racines, et la « Ligurie » les siennes, gauloises.

Le nemos a légué des anthroponymes et des toponymes à tout le monde celte, y compris les Nemeturi du Trophée de La Turbie, voisins du Mentonnais. Nemetios a un ménechme à Zignago, Nemustus, avec le suffixe -sto-, ‘qui se tient dans le ciel’. Le NH Nemustus de Zignago est précédé de mezu, avec un zeta qui en toute logique n’a pas la valeur du san, et doit représenter une consonne affriquée alvéolaire sourde /ts/, autrement nommée le tau gallicum. Metsu ferait alors un bon ‘juge’, le thème en -u étant très largement diffusé dans tout le monde gaulois. Nemetios de Gênes et Metsu Nemustus de Zignago, 'juge céleste', portent ainsi des noms « gaulois ». Et au coeur de ce monde « celte », à Lumone, gît Comisia15. Son nom est composé du préfixe verbal co, « avec », et du verbe messo < medto, « juger », fréquentatif d'un verbe medo, « mesurer »16. Metsu et Comisia, ou plutôt Cometsā, si on situe le premier chapitre de cette histoire à l’Âge du Fer, émettent donc des jugements. Il peut éventuellement s’agir d’une fonction politique, comme le laisse imaginer le préfixe collectif de Co-metsā (les ‘arpenteurs’), ou d’une fonction religieuse, comme le ‘juge céleste’ Metsu Nemustus l’indiquerait.

A Busca, la stèle de Larth Muthiku ne présente aucun caractère étrusque, avec son inscription en fer à cheval typique du Piémont, si ce n’est la langue, l’alphabet et la formule. Les historiens ont donc supposé qu’il s’agissait d’un Celte parti à Volterra, comme mercenaire ou comme artisan, et revenu mourir dans sa patrie, à la façon du forgeron helvète dont Pline nous narra les aventures17. D’autres Gaulois de « Ligurie » firent le voyage en Etrurie, comme le démontre la stèle gravée Anistali θana, « tombe d’Enistos », dont se firent l’écho l’inscription d’Ameglia, datée de la fin du IVème siècle, dans l’Apennin émilien, désignant en langue étrusque Enistale, et ses trois homonymes de l’époque romaine, en pleine terre « ligure », à Tourrette-Levens, Busca (encore) et Monterosso Grana18. L’histoire de Larth Muthiku a de l’importance pour le Mentonnais, parce que Busca, via Cuneo, constitue un carrefour culturel, entre la vallée padane et le littoral, mais aussi le passage des Alpes. Larth serait un simple praenomen à l’imitation des Etrusques, comme le prénom de nos enfants s’épelle en anglais. Le suffixe -icu n’est pas inconnu en étrusque : c’est un diminutif féminin. On trouve ainsi Velia/Velicu, Larthia/Larthicu, Θania/Θanicu, Hastia/Hasticu, et rien ne s’oppose à un couple Muthia/Muthicu. Il y a d’ailleurs un mot étrusque mut, « mourir », et 61 inscriptions étrusques avec des formes mut- ou muΘ-. Ensuite, le génitif Larθial a été défini comme un génitif masculin archaïque, mais il est largement attesté au féminin. Les stèles en fer à cheval sont fréquemment féminines dans le Piémont, et Larth Muthiku pourrait bien être Larthia Muthia, une femme étrusque.

Les seules formes en Mutic- attestées par l’épigraphie sont italiennes (Muticilius et Muticuleius), mais l’alphabet étrusque ne connaît ni le « o », ni le « d », or il y a un Modicus belge et le nom de Monza, Modicia, désigne les « domaines de Modicios ». Les gentes Mottii (Cimiez, Racconiggi et Novare) et Modii (Milan) fournissent quelques pistes, qui mènent chez Xavier Delamarre au vieil-irlandais moth, « membre viril », et au mūtō latin, imposant attribut d’une divinité priapique. Que j’adhère à l’avis général, en préférant une stèle de Larth Modicos à l’épitaphe d’une Etrusque, ne change rien aux réserves que m’inspire la lecture des spécialistes. Les uns, sur la foi de la diffusion d’un modèle étrusque à la Heuneburg ou à Lattes, évoquent « métissage » et « mixité », mots passe-partout largement éreintés. Les autres parlent d’« acculturation », mais à sens unique, sans relever que pour quelques termes étrusques glissés dans l’épigraphie, tels les Lartii de la Gênes romaine, et quelques faciès étruscoïdes, la grande affaire de ce temps reste encore l’écho des forges laténiennes. On parle d’ « étrusquisation » ou on évoque sans preuve « l’invasion gauloise du IVème siècle » sans mesurer le poids bien relatif du commerce sur des sociétés largement autarciques.

Le pourcentage de céramique étrusque dans les dépôts de Ligurie et du Piémont est anecdotique, et le rôle des emporioi de Gênes ou de Villa del Foro est surestimé. Sur la foi de quelques traces étrusques à Bergeggi, les uns parlent du « rôle de polarisation des grandes fondations coloniales de Gênes et Savone », une expression qui trahit la confusion entre emporia et Empires coloniaux. Dans leur soif d’ouverture, certains historiens se font même malhonnêtes. On apprend ainsi qu’avec le commerce sur le Pô, la pénétration de la Ligurie maritime était facilité par la modestie des cols apennins (il faudrait relire Ionas de Bobbio ou anticiper l'histoire du limes byzantin sur l'Apennin pour nuancer le point de vue du randonneur). On déclare que Nemetios de Gênes était de condition servile, sans jamais imaginer que ce puisse être un Larth Muthiku à l’envers, un Etrusque tombé amoureux de sa patrie d’adoption, ou un prince celte dominant la gateway community. On continue surtout d’écrire l’Histoire avec des graffites, dans un monde qui rejette l’écriture. Si Ucei de Lattes, Larth Muthiku ou Nemetios écrivent en étrusque, ce n’est pas par fascination pour une culture supérieure, mais parce qu’il n’y a pas d’alphabet gaulois, et que les Gaulois dédaignent l’écrit. Le seul argument solide pour l’acculturation d’une partie de l’aristocratie, ce ne sont ni les casques à aigrettes, ni les tessons d’amphores, mais il fallait lire et parler l’étrusque pour honorer ceux dont on avait gravé l’épitaphe.

Passons aux inscriptions de la Lunigiana. On a vu dans l’inscription Uvezaruapus une évolution du « p » celtique, tombé très tôt, en « f », et une forme comparable à l’Uvamokozis de Prestino. Un skyphos d’une tombe bolognaise porte un graffite mi uva, « je suis la tombe d’Uva » et Vemetuvis doit être séquencé ve-metuvis, avec une préposition de même origine. Toutes attestent de l’évolution, achevée ou non, de *up-o > proto-celte uf-o > gaulois u-o, avec des variations de la voyelle d’appui. La remarque est d’importance pour les amateurs d’étiquettes, parce que la disparition du « p », avec l’évolution de la labio-vélaire sonore « gw » en « b » et la transformation des voyelles longues « ē » et « ō », constitue la Sainte-Trinité de la celticité. Tous les « p » de l’anthroponymie et de la toponymie antique doivent donc être lus comme des évolutions de la labio-vélaire sourde « cw », et la langue parlée dans la Lunigiana est indubitablement gauloise. Il faut donc reconstituer une forme primitive *upe-s-tarw-abus pour comprendre Uvezaruapus. Comme la stèle votive est au datif pluriel, les Uestaruantssont sans doute des divinités topiques, et avec un « s » prosthétique19, elles ont des allures de génisses, « celles qui sont sous le taureau » (uve-, ‘sous’, s prosthétique, tarw-, ‘taureau’, -abus, datif pluriel). On songe ici bien sûr à la fameuse Tombe des Taureaux de Tarquinia, qui met en scène la saillie, avec un fort contexte érotique, et qui est l’immédiate contemporaine des stèles de la Lunigiana. L'inscription de Villafranca, dédiée « à celles qui sont sous le taureau », est rédigée ainsi dans le même gaulois archaïque que les graffites « lépontes ».

L’épigraphie « ligure » de l’Âge du Fer compte une dernière stèle, celle de Vemetuvis à Bigliolo, un guerrier armé d’une hache quadrangulaire, et retenant par une belle ceinture ouvragée un périzome triangulaire (pagne étrusque). Si le ve est bien lu ‘sous’ (*upe > *ve), la désinence finale -vis correspond mal à une flexion longue d’un thème en -u, et il faut donc lire un nominatif vig-s > vix, ‘vainqueur’ , bien attesté. Il s’agit donc d’un nom composé avec préposition ve-, un premier thème metu- et un second thème vig-s. Metu- peut être lu METU-, mais le thème est inconnu et la zone alpine à l’époque classique ne compte que des ‘moissonneurs’ (gaulois metlo), Metelii et Metilii, et des Mettii avec une consonne géminée et un thème en -i20. Il faut aussi écarter MENDU-, totalement improductif. On peut alors se rabattre sur MEDU-, qui a l’avantage d’être attesté par tous les glossaires et par l’épigraphie étrusque, et Vemeduvix prend alors un parfum d’hydromel (gaulois medu, ‘hydromel’ d’où ‘ivresse’), un guerrier ‘ivre de victoires’21. Mais il reste une dernière hypothèse qui mérite qu’on s’y penche : si le premier thème du nom composé était MENTU-, on tiendrait un Menton gallo-ligure à l’Âge du Fer.

La racine MENTU- n’est attestée que 13 fois dans l’épigraphie romaine. Elle est inconnue des inscriptions étrusques et grecques. Mentō, -nis, est cognomen/surnom en Bétique, en Narbonnaise et en Vénétie. Le menton se dit mentum en latin classique, mento n’est attesté qu’au IVème siècle (Arnobius), et rien n’implique que les notables doivent leur surnom à un menton saillant, puisque c’est la proéminence qui semble avoir désigné cette partie du corps (mons). Mentus est aussi la marque d’un potier de Langres, dont on ne tirera pas plus que du légionnaire Mentosilius mort à Budapest ou de l’hoplomaque Cladus, un nom d’affranchi, dont l’agnomen Mentonianus désigne sans doute un autre Mentō. Trois inscriptions espagnoles sont dédiées au deo Mentoviaco et une fille d’Avila, toujours en Espagne, porte le gentilice indigène Mentoviequm. Mentoviacus est une divinité topique, et les Mentovii sont ceux de Mentovia, donc des ‘domaines de Mentū’. Enfin, sur la Table de Polcevera, quand sont énumérées les tribus « ligures » de l’arrière-pays génois, il est question des Mentovines, dont le nom renvoie encore, comme la plupart des ethniques en -ines, à Mentovion, ‘domaine de Mentū’. Comme le thème est gaulois, il a du se fixer dans la toponymie française. On cite toujours les Menthon et les Menthonneix de l’Ain et de Haute-Savoie, mais on oublie les autres, les Charmenton, Fromenton, Roumenton, Sermenton, et le magnifique Mentondon (*Mentonodūnon, ‘fort de Mentū’).

Le village de Vermenton (Vermentonnus en 901) a été analysé comme une métathèse de Ver-nemeton, ‘grand sanctuaire’, ce qui est pratique quand on ne dispose pas d’un léxème convenable. Mais les Mentuvoi du Val Polcevera et de Zamora sont la preuve irréfutable qu’une racine MENTU- a été productive en gaulois. Le verbe indo-européen *men-o, ‘penser’, a donné le gaulois menō, ‘souhaiter’, et menman, ‘prière’, bien attesté en celtique insulaire et dans l’épigraphie. Sur la foi du vieil-irlandais toimtiu, avec préfixe to-, les linguistes reconstituent un protocelte mentyon, ‘pensée’, avec consonne palatale voisée /j/. Le souhait - le nom verbal - pourrait être formé sur le participe mentos, ‘souhaité’, avec un thème en -u, comme bratu, ‘jugement’, de barno, juger, critu, ‘tremblement’, de crineo, ‘trembler’, tinctu, ‘voyage’, de tegeo, ‘aller’, etc. Mentu (Mentōnis au génitif) serait alors « celui qui prie ardemment » et Vementuvix, « celui qui appelle la victoire de ses voeux ».

L’objet de ce chapitre était de dater la présence de Gaulois à Vintimille. Mes conclusions sont abruptes : le gaulois archaïque est parlé en Italie du Nord dès le VIIème siècle, et la présence d’Exobnos, d’Adbittos et de Metsos dans les inscriptions « lépontiques » prouve que l’anthroponymie gauloise de la Vintimille romaine a ses racines au Premier Âge du Fer. Comme j’ai identifié Menton, avec le suffixe neutre gaulois -on des toponymes, comme le ‘domaine de Mentu’, je me dois de préciser que ça n’implique pas un fort sur la colline du Vieux-Château ou une tribu de Mentuvoi. Il y a dans certaines régions des densités de toponymes gaulois qui rendent aberrante pareille lecture: la toponymie gauloise est largement fondée sur des anthroponymes, qui ne doivent pas être lus comme des ethnonymes. Mentu était un homme libre et propriétaire de quelques cantedā (lopins) auxquels il légua son nom, si ce n’est pas un Latin au menton saillant. Les Mentuvoi ne forment un peuple ni à Zamora, ni dans l’arrière-pays génois, ni dans la cinquantaine de microtoponymes qui en sont peut-être issus : c’était les familles qui vivaient sur le ‘domaine de Mentu’, et sous l’autorité d’autres clans. Les cinq inscriptions méridionales de l'Âge du Fer et la toponymie « ligure » démontrent que le Mentonnais n'a pas attendu Tite-Live pour se mettre au gaulois.

Pièces justificatives : Morphonologie du gaulois archaïque en Ligurie et Glossaires protoceltes et gaulois, ainsi que la liste des lieux-dits sur le léxème de Menton dans la partie Toponymie gauloise.

 



 

 

1En l'occurrence, la traduction du « breuil » gaulois dans les Alpes serait la morga, qui désigne aussi la marche-frontière, puis l'étendue de terrain balisée et réservée aux confins du territoire, pour les pâtures. L'existence de communautés arimanniques dans l'arrière-pays Roya-Bevera rend impossible la lecture BREIL < BROLHO dialectal au XIème siècle, et l'origine antique doit être pour une fois privilégiée.

2Et non 51. Caius Albicus Exomnacius et Rufus Octavius Exomnacius étaient sans doute frères. Le tria nomina tout juste adopté par les indigènes, il faut considérer qu'Exomnos, dit Caius, était le nom de leur père, avec le suffixe -ac- de filiation, largement attesté, ou éventuellement un ethnique, et qu'Albicus était simple cognomen. Les frères étaient donc des Octavii, gentilice qui n'a rien d'indigène.

3Le tableau sur les gentilices les classe par ordre d'occurrences dans le Clauss-Slaby, sigillées mises à part, et au nominatif masculin. Comme tous les tableaux suivants, ils sont passés au tamis plusieurs fois : j'élimine dans un premier temps ceux qui sont attestés plus de dix fois au génitif dans le Latium ou à Rome et qui sont cités plus de 25 fois dans les provinces les plus éloignées de Ligurie.

4Je ne crois donc pas à un rapprochement avec le Pelionos de la Table de Polcevera et le doublon Peille-Peillon.

5Sept Bittii celtes, trois latins. Dans le monde « latin », en dehors d'un boulanger samnite et d'un Ravennate, c'est surtout le nom d'un consul romain, Quintus Bittius Proculus, dont on connaît quelques parents (M.Bittius Proculus, cohorte des veilles, et Q.Fulvius Gillo, Bittius Callistratus et Bittius Thallus, frères arvales).

6On observera le même hiatus dans le faciès archéologique du Premier Âge du Fer.

7Le tableau « gentilices du monde alpin » de l'annexe n°1 comprend, outre les gentilices communs, un classement de proximité calculé par la formule (nombre de gentilices communs x 1000) / (nombre de Lucius et de Marcus), pour tenir compte du poids respectif de chaque stock anthroponymique.

8Angiolo Del Lucchese, L'Area Alpina sud-occidentale e il mondo ligure : « L’inizio del lento processo etnogenetico che porterà alla formazione di un’entità culturale e territoriale specificamente ligure –seppure non sempre fortemente caratterizzata e in parte differenziata nelle diverse zone, molto varie anche sotto il profilo geomorfologico, sembra dunque da far risalire al Bronzo Medio quando il vasto spazio geografico comprendente Piemonte, Liguria, Lombardia occidentale e i margini occidentali dell’Emilia (Val Trebbia e Val di Ceno), comincia a configurarsi chiaramente come un’area culturalmente distinta rispetto al mondo centro-padano e peninsulare. Nel corso di questo periodo la frontiera tra le aree occidentale e centro-padana destinata a rimanere invariata per moltissimi secoli si stabilizza tra Adda e Oglio fino a divenire un confine culturale cui alcuni studiosi hanno attribuito valenza etnica anche attraverso riscontri linguistici di età storica ».

9Olivier Piqueron, Précis de gaulois classique.

10Pour les thèmes en -o, génitif singulier -aloiso (1 occurrence), datif singulier -alui (9 occurrences). Pour les thèmes en -i, datif singulier -alei (1 occurrence). Pour les thèmes en -a, datif singulier -alai (1 occurrence).

11Sous la République, on ne compte que trois cognomina en -alis (Annalis, Fontinalis et Vestalis) et aucun gentilice en -alius.

12Le modèle néo-évolutionniste, avec la bande, la tribu, la chefferie et l’État, doit être critiqué.

13Vieil-irlandais, vieux-gallois, vieux-breton nem, cornique nef, « ciel », et dans les autres familles linguistiques latin nebula, vieil-anglais nifol, lituanien debesis, vieux-slave nebo, grec nephos, sanskrit nabhas, hittite nepis.

14Vieil-irlandais nemed, vieux-gallois nivet, vieux-breton nimet, « bois sacré ».

15COMIS-(I)OS et COMIS-(I)A : Comisius et Comisia à Rome (CIL 6, 16055, 37807), Comisia à Carnolès/Lumone (CIL 5, 7823), Vénétie (CIL 5, 3441), Comisius à Pompéi (TPN 106), Palestine (AE 2001, 1969), Rome (CIL 15, 5956), Comesus à Rome (CIL 6, 11989). COMIS-(I)ACON : Cumiciaco/Kuentzig et Comisiaco/Commissey. COMIS-(I)L(L)-OS avec suffixe en -L(L)OS, en Belgique (CAG 55, p.162), Germanie (CIL 13, 10010, 614, 10017, 113), Comesillus et Comesius en Germanie (CIL 13, 10010, 614), Comisillus tronqué en Norique (CIL 3, 6010), Pannonie (CIL 3, 12014).

16 Vieil-irlandais mess, « opinion, jugement », moyen-gallois meddu, « penser », cornique medhes, « dire », et dans les autres familles linguistiques, latin meditare, « juger », medicus, « médecin » et modus, « mesure », osque meddiss, « juge », gotique mitan, « mesurer », grec metron, « mesure », avestique vimad « médecin ».

17Angiolo del Lucchese et Filippo-Maria Gambari, Tra Protogolasecca e Gruppo RSFO: il gruppo Pont-Valperga e il Bronzo Finale nel Piemonte nordoccidentale, Luigi Gambaro, La Situazione del territorio ligure fino alla conquista romana ; François Clément, John Tolan et Jérôme Wilgaux, Fréquentation ou intégration : les présences allogènes dans les emporia étrusques et ligures (VIe-IVe s. av. J.-C.) ; Valentina Faudino, Luisa Ferrero, Marina Giaretti et Marica Venturino Gambari, Celti e Liguri. Rapporti tra la cultura di Golasecca e la Liguria interna nella prima età del Ferro, Giuseppe Sassatelli, Celti ed Etruschi nell’Etruria Padana e nell’Italia settentrionale..

18*ENI-STOS, « celui qui se tient dans », avec suffixe gentilice étrusque -AL-, ou *ENISTA, « île », avec suffixe adjectival -LOS, « l’insulaire », comme l’a proposé Xavier Delamarre, « Le nom de l’île en vieux-celtique et en indo-européen ».

19Il est largement attesté dans les inscriptions « lépontiques » avec les formes en ad-s.

20Ailleurs : METULIA en Aquitaine (tardif), METUMUS en Maurétanie Césarienne, METTUNUS et METUNUS en Afrique Proconsulaire, METTUS et METUNUS en Bretagne (tardifs), METTUS en Belgique et en Narbonnaise, METTUNIUS en Emilie et METTUNIA à Veleia, METTUNUS et METUNUS en Numidie, METTURO en Espagne Citérieure et en Lusitanie, METORIUS en Etrurie et METO < METŪ à Mayence.

21Notamment MEDUIO < MEDUVIOS en Narbonnaise, MEDOVUS < MEDUVOS à Cimiez, MEDDUVIA à Bonn, MEDOS à Vallauris, MEDUCINUS et MEDULLINUS à Pierrefeu, MEDU- à Saint-Dalmas de Valdeblore, MEDUSSA en Transpadane, MEDULLA et MEDUSSA en Vénétie, MEDOACI en Cisalpine, MEDULLI dans les Alpes, MEDUTIO à Veleia, MEDUAS en Aquitaine, MEDUCENA, MEDUGENA, MEDUENUS, MEDUCENUS, MEDUGENUS, MEDUGINUS, MEDUSINUS, MEDUTICA, MEDUTTIUS, MEDUTTICI et MEDULOTTIA en Espagne Citérieure, MEDUCENA, MEDUCENA, MEDUCENUS, MEDUGENUS et MEDUEINUS en Lusitanie, MEDUNUS en Norique, MEDULIUS, MEDULIO et MEDULIVIA en Pannonie Inférieure, MEDUS et MEDULLIA en Pannonie Supérieure, MEDUS, MEDULLINA, MEDULLINUS, MEDULLINI, MEDURINUS à Rome, MEDULLINA dans le Latium, MEDUS et MEDULLINA en Belgique, MEDONA en Apulie, MEDUTUS et MEDUGENUS en Bétique, MEDULIUS et MEDUTTUS en Dalmatie, MEDULLINI en Etrurie, MEDOCIUS et MEDUGENUS en Bretagne, MEDUNA et MEDOTOUTEHIS en Germanie Supérieure, MEDOCENUS en Numidie, MEDUBIA à Carthage, MEDURUS et MEDUS en Afrique Proconsulaire, etc.

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